Estimer les tâches à réaliser durant un sprint est souvent compliqué. Entre les désaccords entre les développeurs, les votes faussés par ces derniers, voire l’absence de vote conduisant à une estimation totalement arbitraire, le planning poker est une tâche complexe.
Pour combler tous les défauts possible du planning poker, nous avons tenté diverses expériences chez Brouette-Labs. Après plusieurs versions testées à chaque sprint, nous sommes convaincus d’avoir trouvé la meilleure méthode à appliquer durant ce rituel agile.
Prérequis
Méthode agile
Le planning poker ne s’applique pas à tout type de projet. Il s’agit d’un rituel agile que l’on retrouve essentiellement dans la méthode Scrum et de façon plus laxiste, en Kanban. Si les besoins métiers nécessitent que vous travailliez en cycle en V, vous ne pourrez malheureusement pas profiter de ces conseils.
Les différents acteurs
Plusieurs acteurs entrent en jeu, il est important de bien identifier le rôle de chacun.
Scrum Master
Le Scrum Master est un élément essentiel du planning poker. Il entretient la dynamique de ce rituel agile, comme les autres (démonstration, rétrospective). On peut aisément le comparer à un Game Master dans les jeux de société pour geeks. Il s’assure en effet que les joueurs (ici les développeurs), ne s’endorment pas durant la partie (ici le rituel agile). Ce qui justifie bien souvent son salaire exhorbitant.
PO
Le Product Owner est également un élément clé du rituel. Son rôle est de s’assurer que toutes les fonctionnalités prévues par l’équipe Produit seront effectivement prévues dans le sprint. On peut le voir comme un “gambler”, un flambeur en quelque sorte. Son statut de gambler explique également son salaire bien moindre qu’un Scrum Master puisqu’il prend beaucoup plus de risques au niveau du planning poker.
Les développeurs
Un Scrum Master et un PO ne permettent pas en soit de terminer un Sprint. Il incombe donc aux développeurs, de part leurs compétences, de participer à l’estimation des tickets. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’estimer des tickets en terme de temps effectif, il s’agit de points de complexité. C’est donc un savant mélange de temps, de faisabilité & de procrastination effective à la clé.
Les outils
Pour estimer convenablement les tâches d’un sprint, il faut une équipe, mais également de bons outils.
Un jeu de carte
Oubliez la suite de Fibonacci, désuette et trop mathématique. Dans planning poker il y a “poker”. Un planning poker se fait donc avec un jeu de 52 cartes.
La mise de départ
Autre information importante pour un planning poker réussi, la mise de départ. Il ne faut en aucun cas la négliger. Un erreur de calcul ou une négligence des règles peut remettre en cause tout le sprint.
Il y a 3 inputs pour chaque sprint :
- 1% du salaire mensuel du Scrum Master
- 10% du salaire mensuel du PO
- 1% de la moyenne des salaires mensuels de l’équipe
Pour une équipe composée de 5 développeurs, 1 PO et un Scrum Master, la règle est la suivante : à chaque nouveau développeur, il faut rajouter 0.5% à la moyenne salariale mensuelle des développeurs. Ça se fait très rapidement sur un fichier Excel que vous fournira aisément le Scrum Master.
Prenons un exemple concret :
- Scrum Master, 4500€ net/mois. Mise de départ : 45€/sprint
- PO, 2200€ net/mois. Mise de départ : 110€/sprint
- Développeur, 2600€ net/mois (équipe hétérogène) : 13€/développeur/sprint (soit 65€ au total)
Planning poker
Les Prérequis ayant été assimilés, il ne reste qu’à estimer les tickets du sprint. En général, et pour ne ruiner personne, on part sur des sprints de deux semaines (en tout cas chez Brouette-Labs). À vous d’ajuster au besoin en fonction du salaire de chacun. Nous verrons ultérieurement dans un article dédié aux PO une méthode pour optimiser le rendement de production des développeurs.
Les règles de refill
- Il y a autant de manches qu’il y a de tickets ;
- Il est possible pour le PO de faire un refill de sa somme de départ, indexée sur son salaire mensuel ;
- Il est possible pour le Scrum Master de faire un refill de 50% de sa somme de départ indexée soit sur son salaire mensuel s’il est interne, soit facturé s’il est prestataire
- Il est possible pour les développeurs de faire un refill de 10%, de façon collégiale et unanime (donc 50% pour une équipe de 5 développeurs).
Déroulement d’une manche
Comme évoqué précedemment : un ticket = une manche.
Les manches se jouent comme une partie de Poker Texas Holdem améliorée :
- Chaque personne se voit distribuer 2 cartes
- Le PO est Dealer sur chaque manche, ce qui lui permet d’évaluer la tendance
- Le Scrum Master doit obligatoirement poser la Small Blind
- Un des développeurs pose la Big Blind (l’usage veut que cela tourne entre chaque manche)
- Le flop (les 3 cartes communes) sont étalées au centre
- Le reste de la partie se déroule comme une partie de Poker Texas Holdem normale
Gains/Pertes
Là où les règles diffèrent du Texas Holdem standard revient à la position du Scrum Master. Ce dernier n’étant pas affecté par les choix décisionnels techniques ou business, et ayant donc son salaire (et ses pertes qu’il justifiera par un salaire plus important), il peut décider de donner sa somme au PO où aux développeurs.
À l’issue d’une manche, si le Scrum Master ne s’est pas couché, il doit donc annoncer pour quelle équipe (PO ou développeurs) il s’est positionné. Ajoutant ainsi sa somme à l’équipe choisie.
L’issue d’une manche est multiple :
- Le PO gagne, fixe l’estimation du ticket, et remporte les sommes des autres joueurs ;
- Les développeurs gagnent, fixent l’estimation du ticket, et remportent la somme du PO.
Crédits restants & autres règles
Il se peut qu’à l’issue du Planning Poker il reste de l’argent en jeu pour les joueurs restant en lice. Cet argent pourra être utilisé en accompte lors du prochain planning poker.
Si le Planning Poker n’est pas terminé, que tous les refills ont été refaits, il incombe au PO de contacter son supérieur hiérarchique afin de trancher tout en exposant la situation de non entente cordiale suite au Planning Poker.
Conclusion
Cette méthode à porté ses fruits chez Brouette-Labs. Nous arrivons enfin à trouver une estimation concrète qui dépend fortement du bluff et d’autres stratégies. Nous avons même poussé le vice plus loin en créant notre propre crypto-monnaie : la brouette-coin, mais cela fera l’objet d’un autre article.